Un concert inédit Fushitsusha / Peter Brötzmann de 1996 à paraître en coffret 3CD

Grande nouvelle ! Fin avril 2014, un live-mastodonte réunissant le noise-rock du groupe culte Fushitsusha et le free jazz allumé de Peter Brötzmann verra le jour chez Utech Records, label américain spécialisé dans les productions underground. Presque vingt ans plus tard, l’occasion nous est donnée de découvrir plus de trois heures de musique atypique, à dévorer sans compter !

Fushitsusha Brötzmann Nothing Changes 2014

Infos directement puisées sur le site web du label Utech Records.

Nothing Changes No One Can Change Anything, I Am Ever-Changing Only You Can Change Yourself
-URCD087-
Enregistré à l’Université Hōsei de Tokyo, le 26 avril 1996

Aucun groupe n’a jamais sonné comme Fushitsusha. Il existe bien entendu des antécédents à leur torrent musical dense et virulent, pareil à un grondement instinctif : on pense d’abord à Blue Cheer, ou au Jimi Hendrix de 1970 – une fois abandonné son art de la mise en scène des précédentes années au profit d’une musique plus intense – mais personne n’a jamais fait autant exploser le rock que le power trio formé par Keiji Haino, Yasushi Ozawa et Jun Kosugi. Vêtus de noir, impassibles et stoïques, le bassiste et le batteur nippons bâtissaient des échafaudages branlants de rythmes qui, quand Haino s’invitait guitare à la main, prenaient l’allure de structures immenses d’où jaillissaient des tornades de bruit pur sur un public médusé, qu’il soit japonais, américain ou européen. Cette musique improvisée n’existait pas sans but, Haino cherchant à démontrer que les chemins empruntés par celui qui cherche à atteindre la pureté ne cessent jamais d’évoluer. Les morceaux pouvaient durer à peine trois minutes, ou durer plus d’une heure et quart. Ils pouvaient se développer autour de riffs précipités proches du punk-rock, ou s’assembler presque imperceptiblement dans une lenteur éthérée, comme un brouillard s’élève du sol. Ils pouvaient être furieux, explosifs, ou terriblement tristes.

Malgré la volonté (voire l’avidité) de Keiji Haino à collaborer avec de nombreux musiciens issus de divers milieux, peu d’interprètes ont réussi à égaler l’énergie fulgurante de Fushitsusha. L’un des seuls à avoir été capable de résister à la force du groupe en plein effort s’avère être le saxophoniste allemand Peter Brötzmann, qui rejoint le trio japonais sur cet unique concert épique de trois heures, enregistré à l’Université Hōsei de Tokyo le 26 avril 1996, et disponible pour la première fois via ce coffret triple-CD. Au fil des années, Brötzmann et Haino ont enregistré plusieurs albums ensemble ; pendant la semaine de ce même concert, ils donnèrent naissance à Evolving Blush and Driving Original Sin, ainsi qu’à Double Agent(s): Live in Japan Volume Two en compagnie du batteur Charles Hayward. Cependant le coffret Nothing Changes No One Can Change Anything, I Am Ever-Changing Only You Can Change Yourself est un document unique dans les discographies respectives de Fushitsusha et de Peter Brötzmann. Jamais le trio n’avait sonné ainsi. Entre le premier et le second disque, de longs passages quasi-rituels de batterie et de basse non-accompagnée cèdent leur place à une psalmodie et à des hurlements gutturaux, tapissant de manière presque pré-linguistique les mélodies du saxophoniste, tandis que Kosugi semble tenter de réduire en morceaux son kit de batterie. Sur le troisième disque, le groupe martèle un riff blues des familles qui n’est pas sans rappeler le concert à Toronto du Plastic Ono Band, et ramasse l’ensemble en authentique festival noise/garage-rock dans les trois dernières minutes de la performance.

Fushitsusha Brötzmann Flyer 1996
Les albums live de Fushitsusha sont nombreux : Live et Live II, les deux coffrets double-CD sortis chez PSF qui ont projeté le groupe au rang de divinités de l’underground ; Gold Blood ; Withdrawe, This Sable Disclosure Ere Devot’d ; The Wound That Was Given Birth To Must Be Greater Than The Wound That Gave Birth ; I Saw It! That Which Before I Could Only Sense, etc. Chacun d’entre eux capture un moment crucial d’une expérience musicale unique qui suit encore son cours. Cela dit, Nothing Changes No One Can Change Anything, I Am Ever-Changing Only You Can Change Yourself est peut-être le témoignage le plus pesant, le plus puissant voire le plus beau de tous. Ce concert est devenu légendaire au sein des cercles d’initiés depuis le début, il y a 18 ans de cela. Le 26 avril prochain, il sera enfin édité pour tous ceux qui n’ont pas pu vivre cette expérience à l’époque.

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Pour ce coffret limité à 1000 exemplaires, la pochette illustrée par le peintre Denis Forkas Kostromitin permettra de ranger les disques dans leurs enveloppes en papier noir, qui se glisseront dans des emplacements gravés. Une reproduction du flyer original faisant la promotion du concert sera également incluse, tandis que des textes signés Alan Cummings seront proposés dans un livret à trois volets. L’enregistrement a été masterisé par James Plotkin pour une clarté et une puissance sonore optimales.

Un dernier mot sur Keiji Haino

Avant toute chose, je tiens à remercier les nombreux visiteurs qui ont suivi cette semaine spéciale John Zorn, avec une mention toute particulière pour le blog du Zornographe. Si vous avez trouvé mes articles intéressants, n’hésitez pas à passer de temps à autres sur le blog ! Dans les prochaines semaines, je compte parler de nombreux autres albums édités chez Tzadik, ainsi que de musiques d’improvisation susceptibles de vous intéresser. Bien sûr, d’autres disques de John Zorn seront « décryptés » dans les mois qui viennent.

Un grand merci également à ceux qui se sont intéressés de près au dernier album de Fushitsusha et aux articles concernant Keiji Haino. Les informations ne circulent pas suffisamment en dehors du circuit des initiés, ceux « dans le secret ». Néanmoins, je suis en mesure de vous confirmer une nouvelle : c’est bel et bien un film documentaire sur Keiji Haino qui sortira au Japon le 7 juillet prochain, comme le confirme la page web créée à cet effet et qui vient d’être mise à jour aujourd’hui.

D’après les informations contenues sur cette page, le film est réalisé et monté par un certain Kazuhiro Shirao. Ces premières images semblent indiquer un documentaire basé sur les performances récentes du chamane nippon – bien qu’on puisse être en droit d’attendre des extraits de VHS ou de DVD, voire quelques vidéos d’archives encore inédites. Ce qui est sûr, c’est que le film risque bien d’écrire une légende dorée, Haino ayant tendance à contrôler son image de manière assez stricte. Reste à savoir si à l’instar de La Faute des Fleurs pour Kazuki Tomokawa, ce document sera disponible à la vente et passera la frontière.

Outre une courte biographie de l’artiste et une présentation de l’équipe du film, le reste des informations sur doc-haino.com indique une volonté de dissiper un peu l’aura mystérieuse du leader de Fushitsusha. On notera le flot de commentaires élogieux venu de musiciens de l’underground nippon tels que Kan Mikami, Merzbow ou le groupe Hijokaidan, mais également de danseurs comme Kudo Taketeru et Min Tanaka et bien évidemment du directeur du label PSF. Un trailer est à venir, les plus curieux n’hésiteront pas à suivre la page Twitter mise en place pour faire monter le buzz.

Je tiens également à vous annoncer, de source sûre, que Keiji Haino prévoit d’effectuer une petite tournée en Europe au mois d’octobre prochain avec le nouveau line-up de Fushitsusha. Apparemment, deux ou trois dates seraient à l’ordre du jour, dont une sur le territoire français. Bien qu’elle soit à prendre avec des pincettes, cette nouvelle fait l’effet d’une bombe ! Pour fêter ça, je vous propose de télécharger un bootleg du concert de Keiji Haino au Consortium de Dijon, en date du 14 avril 2012. Vous trouverez le lien dans les commentaires.

Bonne écoute à tous !

Au cœur du Congo à Paris

Ceux de passage ce soir à la Fnac des Halles de Paris ne pouvaient manquer le showcase d’un ensemble traditionnel congolais, le groupe Ndima. Venus spécialement des forêts équatoriales dans le cadre de la « promotion » de leur album et de leur tournée, ces artistes issus de la culture pygmée, minoritaire en République du Congo, sont plus précisément d’origine Aka, un peuple autochtone situé au nord du pays ; et c’est dans l’espace confiné du Forum que les membres du groupe ont commencé leur spectacle mêlant musique et danse.

Après cinq minutes de chauffe, des instruments en bois de toutes sortes ont fait vibrer les plus curieux des chalands qui commençaient à s’amasser autour de la scène. Suivis autant par les caméras de Brazza TV que par les smartphones amateurs, le concert a su attirer la foule par le timbre de ses percussions taillées à même le tronc, accompagnées par des chants polyphoniques. Menés par le coordinateur de l’association « Regard aux Pygmées », Sorel Eta, qui a vu grandir ces artistes depuis plus de quinze ans, les musiciens ont également fait la démonstration d’instruments à cordes, plus « délicats », notamment le koundé et le mondoumein, respectivement les équivalents d’une harpe et d’une cithare traditionnelle.

En seconde partie, les danseuses ont convié petits et grands à la fête, dans une atmosphère conviviale. Malgré la fatigue, le groupe a répondu au rappel du public avant de terminer par une présentation des artistes, de leurs talents de musiciens et de chasseurs, en laissant chacun imiter un animal. On aurait pu trouver cela de mauvais goût voire outrageusement cliché, mais les sourires se lisaient sur les lèvres de chacun : un final bon enfant.

Court extrait de la performance

A l’issue du mini-concert, les bacs à CD proposant l’album Moaka na Ndima ont été littéralement pris d’assaut. Si vous voulez profiter de cette belle expérience, n’hésitez pas à venir voir le groupe en concert le samedi 12 mai à 22h, dans le cadre de « L’Afrique en Marche » à Vincennes.

Plus d’informations sur cette page.

Une chronique du disque sera donc à suivre plus tard sur le blog. En attendant, ne manquez pas cette opportunité exceptionnelle de voir en concert cette initiative soutenue par l’UNESCO dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

Sur le même sujet, je vous invite également à découvrir le site web Un monde pygmée.

Happy Birthday, Keiji Haino

Deux grandes nouvelles aujourd’hui pour les fans de Keiji Haino, qui doivent se compter au moins par dizaines en France. Sachez que Haino-sensei fête aujourd’hui même ses 60 ans avec un concert spécial dans la fameuse salle du ShowBoat de Tokyo. Celui qui cultivait un certain goût pour la « couleur » noir comme code vestimentaire n’a malheureusement pas pu empêcher ses cheveux de prendre un teint grisâtre au fil des années. Il semblerait même que pour l’occasion, il se montre avec un nouvel accessoire : une canne. Tut-tut-tut, ça ne prend pas. Même si ces dernières années, il troque volontiers sa guitare contre l’expérimentation vocale, on le sent capable de nous dézinguer les oreilles à grands coups de noise brutale pendant encore quelques années de plus. D’après le site officiel, un documentaire (ou un enregistrement de concert) et un livre seraient même en préparation pour fêter dignement l’évènement – l’occasion pour beaucoup d’en apprendre plus sur ce performer de talent. Tout cela devrait sortir au second semestre 2012, à partir du mois de juillet.

お誕生日おめでとうございます !!

Est-ce pour cela également qu’une semaine avant de souffler la soixantaine de bougies, soit sorti un nouvel album de Fushitsusha, intitulé Hikari To Nazukeyou ? Un retour du power trio dont j’ai parlé la semaine dernière : curieuse coïncidence… C’est en soi une grande nouvelle, pour deux raisons. D’abord parce que le dernier opus date de presque dix ans, et signait ‘seulement’ la sortie d’un enregistrement live de 1978. Ensuite, parce qu’il s’agit du premier album studio suite au décès du bassiste emblématique du groupe, le regretté Yasushi Ozawa, le 7 février 2008. Pour le moment il n’existe que très peu d’informations sur l’album : 7 pistes pour un total de 35 minutes, servies par un label obscur (Heartfast) dans un beau digipack avec OBI made in Taiwan, dont voici le visuel.

Une pochette de couleur, du jamais vu depuis Purple Trap. Je dois admettre qu’en tant que grand fan de l’artiste – et de Fushitsusha en particulier, je suis très emballé par cette nouvelle. Après tant de temps, je ne pensais pas voir la discographie du groupe évoluer. J’espère que le résultat sera à la hauteur.

To my potential international readers: Haino Keiji will be celebrating tonight at Tokyo Showboat his 60th birthday. A documentary or a live recording is scheduled to be released on July, and even a book about him later on. You might also want to know there is a new Fushitsusha album which popped out of the blue, Hikari To Nazukeyou: 35 minutes of noise psychedelia over 7 tracks, released on April, 27th by an obscure Japanese label. It comes in a beautiful, colored (!) digipack edition with OBI strip.